Qu'est-ce que le micro-management et comment l'éviter ?

Vous êtes-vous déjà senti “micromanagé” ? Autrement dit, avez-vous déjà ressenti un excès de contrôle de la part de votre manager ? Ou peut-être avez-vous déjà micromanagé vous-même votre équipe sans vous rendre compte des effets nocifs que cela peut engendrer sur la dynamique de travail ?

Le micromanagement se définit comme un style de management où le manager contrôle étroitement le travail de son équipe. Il s’agit d’une attitude générale du manager envers ses collaborateurs, d’une posture managériale qui cherche à tout observer, vérifier, et contrôler. C’est un management qui empêche l’équipe de se développer, une forme de contrôle excessive et sans leadership.

Car en effet, exiger d'être en copie de chaque mail envoyé, faire des points à outrance, vouloir valider systématiquement le moindre détail d’un travail... peuvent sembler être des rituels de management sans conséquence. Pourtant, ils créent des situations anxiogènes, découragent et empêchent la responsabilisation et donc la progression des collaborateurs. Au même titre que le manager tyrannique, meilleur copain, ou robot (qui ne connaît pas l’empathie), le micro-manager est bel et bien un manager toxique.

Plus de la moitié des salariés ont déjà travaillé pour un micromanager et l’explosion du télétravail pendant la pandémie n’a fait qu’amplifier cette tendance au surcontrôle. La preuve, près d’un salarié sur deux serait surveillé par des outils au sein de son entreprise, et près de la moitié des télétravailleurs le sont aussi !

Alors, quels sont les signes d’un management contrôlant, pour ainsi mieux le repérer ? Quels sont les risques et conséquences concrètes pour les managés ? Comment, en tant que collaborateur ou manager, sortir du micromanagement ?

Diagnostic d’un micromanagement

Il y a bel et bien une différence entre être attentif à son équipe, assurer un suivi régulier, accompagner... et faire preuve d’un contrôle excessif. La frontière est certes floue, et les micromanagers peuvent se cacher derrière la volonté de bien faire (personne n’aspire à être un mauvais manager !), mais plusieurs habitudes ou réflexes ne trompent pas. Voici quelques exemples de travers du micro-manager :

  • Un besoin compulsif de passer derrière et de scruter le moindre détail : la taille d’une police, l’heure d’un rendez-vous, le temps passé sur un dossier, le statut “en ligne”/“hors ligne” en télétravail...
  • Des demandes incessantes de compte-rendus auprès des employés ainsi qu’une relecture à chaque fois plus précise. Cela indique non seulement que le manager est incapable de déléguer, et donc de faire confiance, mais cela rajoute une forte dose de travail pour le managé, qui le voit dans l’incapacité de se concentrer sur l’essentiel de sa mission.
  • Une exigence d’être consulté avant chaque décision, même dérisoire, tout comme d’être gardé en copie de tous les mails sous prétexte de “suivre le dossier”.
  • Un contrôle de l’agenda : le planning des rendez-vous, les horaires de chaque collaborateur...

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Bien que de telles intentions ne soient pas toujours mauvaises et qu’un certain contrôle permet d’éviter certaines erreurs ponctuelles, le coût associé au manque de confiance envers l’équipe a, lui, un impact très négatif sur le long terme. Comment, en effet, se développer et gagner en confiance et en autonomie avec un manager constamment sur son dos ? La productivité et le bien-être des salariés sont touchés, mais aussi l’ambiance générale et la performance de l’entreprise au global.

Les effets nocifs du micromanagement

Être présent à la moindre étape de travail de vos collaborateurs présente des risques pour l’entreprise comme pour l’équipe. Pour commencer, ce style de management nuit à la productivité tout simplement parce qu’il est extrêmement chronophage pour les équipes. Des reportings incessants à faire entre deux dossiers, les validations systématiques avec le boss avant d’envoyer une présentation, un mail, une demande de rendez-vous... Résultat : le managé, tout comme le manager, se retrouve dans une situation de surmenage permanent puisque le travail est doublé. Comment, dans une telle situation, trouver de l’espace et du souffle pour créer, innover, se challenger ? Comment faire preuve d’initiative et d’inventivité, des qualités pourtant indispensables à la performance ?

Par ailleurs, ce manque de confiance et de délégation implique forcément une baisse de responsabilisation et donc de motivation chez les collaborateurs. Comment donner confiance à une personne si vous repassez systématiquement derrière elle ? Si vous lui donnez l’impression que vous ne respectez pas ou ne faites pas confiance à son travail ? Comment l’engager si elle sait d’avance que vous allez faire son travail une deuxième fois ou vérifier toute la syntaxe, la grammaire, les montants, l’orthographe de votre dossier avant de l’envoyer au client ? C’est simple : si votre équipe ressent que vous ne lui faites pas confiance, et donc que vous ne pouvez pas compter sur elle, elle s'appliquera naturellement moins, dans ses missions, dans son équipe, dans l’entreprise. La qualité du travail baisse en même temps que la motivation puisque la marge de manœuvre devient au fur et à mesure quasi inexistante chez le managé. Les consignes étant très détaillées, le collaborateur peut difficilement entrer en discussion et proposer une alternative à la vision du manager. Limitée dans leur capacité d’action et d’initiative, la personne micromanagée devient frustrée et le turn-over de la société s’en trouve augmenté. Cette méthode de management fait donc fuir les meilleures recrues. C’est sans doute pour cela que l’on dit qu’une personne quitte un manager, plus qu’une entreprise…

Ces tâches chronophages additionnées au manque de responsabilisation font naître  chez les collaborateurs des états de tension et de stress, qui peuvent mener jusqu’au burn-out. Au fait, quel est le sens de mon travail ? Pourquoi est-ce que je me lève tous les matins ? La mission générale est complètement noyée dans les aller-retours et points abusifs avec le manager et le moral est sapé par l’éternelle insatisfaction du N+1.

Enfin, le micromanagement fait également du tort au manager, qui, à force de contrôler de manière obsessionnelle, bloque son évolution de carrière, ne parvenant pas à fédérer une équipe et la faire progresser. Le micromanager devient alors lui-même le principal facteur limitant de son équipe, il agit comme le goulot d’étranglement de l’équipe : en voulant s'impliquer et faire avancer sur tous les sujets, il les verrouille tous et bloque toute progression.


Comment éviter le micromanagement

Pour sortir du micromanagement, il faut d’abord admettre son excès, puis essayer de le comprendre et d’identifier la cause d’éventuelles angoisses. Ai-je peur de me faire dépasser ? De faire une erreur ? D’être vu comme inutile, peu impliqué, incompétent si je ne fais pas ce travail de contrôle ?

Managers, comment devenir un leader de terrain sans micromanager ?

  • Arrêtez la recherche de la perfection, lâchez prise sur les dossiers moins stratégiques. Sachez apprécier le travail et la vision de chacun et acceptez que le travail ne soit pas fait de votre manière. Un bon manager, en plus d’être reconnaissant, positif et bienveillant, doit avant tout être à l’écoute, disponible et ouvert à la différence.
  • Apprenez à responsabiliser le collaborateur en l’impliquant davantage, et en déléguant de manière plus efficace et sensée. Pour cela, n’assignez pas simplement des tâches, verbalisez vos attentes, contextualisez les missions de chacun en rappelant clairement la vision et l’objectif de l'entreprise. « N’expliquez jamais aux gens comment faire quelque chose. Dites-leur quoi faire et ils vous surprendront par leur ingéniosité. » disait George S. Patton, général de l’armée américaine, leader d’un des groupes de commande et contrôle les plus traditionnels au monde.Focalisez-vous davantage sur les objectifs plutôt que sur la méthode de travail ou le moyen d’y parvenir. Si votre subordonné part plus tôt du travail mais que ses objectifs sont bons, aucune raison de faire une réflexion. Pour suivre les objectifs de vos collaborateurs, de manière organisée et cadrée, rapprochez-vous des méthodes OKR ou SMART.
Avantages de la méthodologie OKR
  • Choisissez le moment où vous allez apporter votre aide avec des rituels de management clairement définis. Prenez du recul régulièrement grâce à des points (programmés à l’avance et non abusifs) pour anticiper les signes de détresse et les besoins éventuels de vos interlocuteurs. Pour cela, réfléchissez à mettre au point des rituels de management, afin d’accompagner en souplesse, et appuyez-vous sur des outils collaboratifs et simples de management comme Popwork. Ils permettent de faire des feedbacks constructifs, une fois de temps en temps, et non de manière quotidienne et permanente au-dessus de l’épaule, pour laisser à vos collaborateurs le temps de faire leurs preuves et d’exprimer leurs compétences.
  • Tolérez une marge d’erreur voir d’échec. Certes, des ratés se produiront, mais faites preuve de bonne volonté en essayant d’en identifier l’origine. Était-ce un problème de formulation ? De deadline mal communiquée ? De feedback incompris ? “Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j'apprends", a dit Nelson Mandela. Une petite citation qui rappelle, tout en douceur, les vertus de l’échec, valorisées par le philosophe Charles Pépin dans un récent ouvrage et dans cette inspirante conférence donnée chez My Little Paris en 2019.
  • Choisissez de donner davantage de conseils plutôt que de prendre systématiquement des décisions, sans discuter. Pour être davantage à l’écoute et dans l’échange, renseignez-vous sur le neuromanagement, qui permet de faire collaborer harmonieusement une équipe grâce à une meilleure compréhension de l’autre.
  • Demandez du feedback et de l’aide auprès d’un mentor, d’une personne de confiance. La différence entre le management et le leadership, c’est justement la capacité à déléguer, à ne pas faire de micromanagement.

Du côté du managé, comment éviter d’être victime du micromanagement ?

  • Considérez les éventuelles angoisses de votre manager, et tentez d’anticiper ses demandes et les tâches qu’il pourrait vous réclamer, en lui informant régulièrement de l’avancée de votre travail. C’est une manière de le rassurer, de montrer que vous avez compris ses attentes et ses craintes : le dossier sera bien envoyé dans les délais, vous avez fait plusieurs relectures… etc. Donnez un peu de détails. Rappelez-lui par la même occasion que vous avez les mêmes objectifs (être performant, faire avancer le dossier,...).
  • Montrez que vous souhaitez être davantage autonome et que vous êtes plus efficace lorsque l’on vous fait confiance. Expliquez pourquoi un contrôle permanent vous épuise, vous freine et vous empêche de bien faire votre métier et comment son insistance pourrait compromettre votre engagement vis-à-vis du projet commun de l’entreprise.
  • Demeurez calme quand la situation s’envenime, puis clarifiez vos besoins et votre manière de travailler lors d’un tête-à-tête, dans l’optique d’éviter ces situations à l’avenir. Demandez-lui s’il est prêt à travailler d’une autre manière, proposez toujours des solutions, tout en respectant sa position et en reconnaissant sa place de responsable hiérarchique.

La première étape est donc de connaître les caractéristiques du micromanagement pour mieux l’éviter, que ce soit en tant que manager ou managé. Bien sûr, il faut garder en tête qu’un accompagnement raisonnable est toujours bénéfique, voire indispensable à un bon management. Le contrôle, en revanche, est souvent frustrant, voire tétanisant. Enfin, n’oubliez pas que vous pouvez être un manager impliqué, engagé et organisé, sans entrer dans les travers du micromanagement. « Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose. Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer*.» L’essentiel est donc de faire un pas de côté, de temps en temps, pour engager votre équipe en dosant le temps passé sur les détails. Car il y des détails qui méritent qu’on s’y attarde, et d’autres, en revanche, qui font simplement perdre du temps.

*Antoine de Saint-Exupéry