Après « l’expérience client », dite CX, « l’expérience utilisateur », dite UX, les entreprises se penchent de plus en plus sur « l’expérience collaborateur » (ou expérience employé), dite EX. En effet, pourquoi l’employé ne pourrait-il pas vivre, lui aussi, une “expérience” ? Rappelons que l’expérience, c’est l’acte d’éprouver et de ressentir, c’est donc humaniser l’autre, le collaborateur, pour lui donner une place dans l’entreprise, et par ricochet, faire grandir celle-ci.
En effet, pour qu’il ait envie de servir au mieux le client, le salarié doit se sentir estimé et doué de la capacité de créer de la valeur. C’est ce qu’explique Vineet Nayar, expert des technologies de l’information et du management d’entreprise, ancien PDG de HCL Technologies, dans son livre « Employees First, Customers Second : Turning Conventional Management Upside Down » (Harvard Business Press, juin 2010). Les employés d’abord, les clients ensuite ! Dès sa sortie, son livre a remporté tous les suffrages : “le style de management le plus moderne du monde” pour le magazine Fortune, “le leader de l'innovation organisationnelle”, selon la London Business School… et la mise en œuvre d’une culture orientée collaborateur a permis à son entreprise de tripler ses recettes et son bénéfice d'exploitation et quintupler le nombre de ses clients. HCL est aujourd’hui encore répertoriée par Forbes parmi les meilleurs employeurs au monde.
Qu’est-ce que “l’expérience collaborateur” ? Qu’apporte-t-elle concrètement à l’entreprise et comment la mettre en place ?
L’expérience collaborateur : du recrutement au départ du salarié
Pour qu’un salarié puisse satisfaire un client, il doit lui-même être satisfait. L’expérience collaborateur, c’est donc l’ensemble des moments clés vécus par le collaborateur au sein de l’entreprise, qui lui permettra de se sentir accueilli, respecté et écouté, pour qu’à son tour il puisse être disponible pour les clients. L’expérience collaborateur ne se réduit pas au bien-être au travail, mais doit être pensée de façon globale et cohérente, du recrutement jusqu’au départ de l’entreprise.
Le concept d’expérience collaborateur a été notamment formalisé en 2017 par Corinne Samama dans le premier ouvrage sur le sujet en France : L’Expérience Collaborateur : Faites de vos employés les 1ers fans de l’entreprise ! (Ed. Diateino). Pour mettre en place une bonne expérience employé, cette coach de dirigeants explique qu’il s’agit de partir d’une méthode de Customer Relationship Management (CRM). Tout comme le client, que vous accompagnez en ligne, en magasin, pendant l’achat et le service après vente, le collaborateur doit être accompagné dès son recrutement, puis sur son lieu de travail, dans sa manière de travailler et ses diverses missions, jusqu’à sa sortie de l’entreprise. Ce parcours du collaborateur donnera lieu à la mise en place d’un dispositif Employee Relationship Management (ERM).
Afin de gagner la confiance des collaborateurs, il s’agit de leur offrir un bon environnement physique, culturel et technologique.
- Physique : les interactions entre les collaborateurs et leur lieu de travail. La crise sanitaire a bouleversé les manières de travailler et a poussé les entreprises à repenser leurs espaces de travail. Un équilibre est à trouver, entre espaces ouverts, pour faciliter la cohésion et le partage, et fermés, pour mieux se concentrer.
- Technologique : les interactions entre les collaborateurs et les outils. La montée en puissance du travail hybride implique de fournir les bons outils digitaux.
- Social et culturel : les interactions entre les collaborateurs, dans l’optique de se sentir appartenir à une communauté.
Pourquoi une bonne expérience collaborateur est-elle indispensable ?
Dans un monde en perpétuelle mutation et dans un contexte de crise sanitaire de surcroît, l’expérience collaborateur devient indispensable. Le collaborateur d’aujourd’hui a développé un nouveau rapport à l’environnement de travail. Il se rend plus agile et flexible puisqu’il jongle régulièrement entre le travail à distance et le travail au bureau. Cette mise en place du travail hybride a renforcé l’importance d’un accompagnement régulier pour éviter l’isolement et la baisse de motivation mais aussi pour infuser du sens dans les missions proposées et ainsi raccrocher le salarié à son organisation. Les attentes d’un salarié vis-à-vis des valeurs incarnées par l'entreprise sont en effet plus importantes qu’autrefois, et son engagement en dépend. L’employé a désormais besoin de sens, de communication claire et transparente : le manager a alors un grand rôle à jouer, pour relier le collaborateur au collectif. Son rôle de coach devient crucial.
L’expérience collaborateur proposée par une entreprise est donc particulièrement stratégique car elle à un impact direct sur les employés, qui souhaitent, plus que jamais, vivre une expérience enrichissante et motivante au travail.
Une bonne expérience collaborateur :
- Attire les talents : au-delà des critères de choix classiques, tels que le secteur, la localisation et le salaire, les candidats privilégient davantage le partage des valeurs avec l’entreprise, la qualité de vie au travail et les conditions de travail. Selon une étude sur le sens au travail menée par Deloitte et Viadeo de décembre 2017, près de 9 salariés sur 10 considèrent que le sens au travail est un enjeu majeur.
- Engage les collaborateurs et fait baisser l’absentéisme : un collaborateur écouté est un collaborateur plus heureux et donc productif. Lorsque nous sommes écoutés, nous avons près de 5 fois plus confiance en nos capacités pour atteindre nos objectifs !
- Fidélise les salariés : 47% des responsables RH déclarent que garder leurs salariés est le principal challenge du management de talents. “Quand un collaborateur va voir ailleurs, c'est soit par aversion envers son cadre de travail, soit par attirance pour la structure qu'il rejoint”, analyse Laurent Lefouet, patron Europe d'Anaplan, la plateforme collaborative de planification valorisée à 1 milliard de dollars par Business Insider. Les salariés restant de moins en moins longtemps dans une entreprise, l’expérience collaborateur est un bon moyen pour les retenir.
- Fait rayonner une belle image de marque : une expérience collaborateur réussie favorise l’employee advocacy, la transformation de salariés en ambassadeurs. Car aujourd’hui, la nouvelle force de l’entreprise, c’est la parole digitale transmise par un collaborateur convaincu. Ce collaborateur devient le storyteller de l’entreprise. Chez Deloitte, une plateforme digitale a été créée pour partager efficacement l’actualité et la stratégie de l’entreprise, des informations que les collaborateurs relaient ensuite sur les réseaux sociaux. Résultat : le trafic sur ces canaux autour de Deloitte est monté en flèche en dix-huit mois.
Une expérience collaborateur réussie est donc bénéfique aussi bien pour l’employé que pour l’employeur. Elle est à la fois l’incarnation des valeurs, de la culture et de l’image de marque employeur et la promesse d’une attention particulière portée au salarié.
La check-list du parcours collaborateur
Pour que l'expérience collaborateur ne soit pas anecdotique et qu’elle puisse répondre aux véritables enjeux business des entreprises, toutes les étapes du parcours du collaborateur sont à prendre en compte. Pour améliorer l’expérience collaborateur, il s’agit donc de modéliser le parcours employé.
Voici une check-list des différentes étapes clés :
1. Le recrutement : l’expérience employé commence avant même que le collaborateur n’arrive dans l’entreprise. Elle naît, entre autres, grâce à la communication que l’entreprise fait sur les réseaux sociaux : 79% des entreprises certifiées par Top Employers Institute utilisent de manière proactive les médias sociaux pour partager des articles et contenus internes, afin de se faire connaître et attirer des nouvelles recrues. Ensuite, dès l’offre d’emploi - attractive, claire, bien formulée- le candidat doit pouvoir retrouver les valeurs et la vision de l’entreprise. L’accueil lors de l’entretien d’embauche est tout aussi important : c’est la première fois que le candidat découvre l’environnement de travail.
2. L’onboarding, ou l’intégration du collaborateur, est particulièrement engageant lorsqu’on sait que 33 % de cadres démissionnent dans les six mois qui suivent leur arrivée et 65 % qui déclarent avoir démissionné pour cause de mauvaise intégration. Parmi les indispensables pour que l’onboarding soit une réussite : un bureau confortable, une présentation des équipes, un déjeuner d’accueil, un premier échange sur les objectifs. Pour aller plus loin, certaines entreprises désignent des parrains, marraines ou “buddy”, proposent aux nouveaux arrivés d’assister à la présentation de projets menés par d’autres équipes, ou offrent des Welcome Pack, ces sacs remplis de goodies tels que des mugs, t-shirts ou sweat shirts à l’effigie de l'entreprise, carnets, gels hydroalcoolique…Chez Blablacar, le programme d’accueil est entièrement conjugué en Blabla : il y a le BlaBlaLearn, la bible de l’entreprise, le BlaBlaLunch, le déjeuner organisé, ou BlaBlaTalk, la mini-conférence d’un chef de service chaque mercredi. Et avant tout cela, il y a les « onboarding days », trois premiers jours d’intégration, qui mêlent visites, cours d’histoire et rencontre des collaborateurs. Sans oublier que la crise sanitaire a vu apparaître de plus en plus d’onboarding à distance : les collaborateurs sont accueillis via des visioconférences, des newsletters dédiées, des podcasts, des box livrées à domicile,... L’objectif étant de garder contact tout au long du processus d’intégration.
3. La gestion quotidienne : l’objectif de cette longue phase est de motiver le collaborateur grâce à un management bienveillant et adapté à l’entreprise, au collaborateur et aux enjeux. L'important est de mettre en place des rituels de management, tels que des réunions en one-to-one ou en groupe pour de clarifier les objectifs et s’assurer d’une bonne entente entre le manager et le managé… L’outil Popwork a pour objectif de faciliter ce suivi grâce à une plateforme intuitive et collaborative. L’employeur gagne également à fédérer les collaborateurs autour d'événements collaboratifs et à créer des espaces de partage (cuisine, salle de repos, salle de jeux). Si, et seulement si, cette gestion quotidienne est bien menée, elle améliore la qualité de vie au travail (QVT) et le bien-être des salariés.
4. L’évolution et gestion de carrière, rendues possibles grâce à l’entretien annuel et professionnel. Selon une étude BVA, les salariés attendent en priorité de cet entretien un retour sur leur travail (60%), la possibilité d’évoquer une évolution de carrière (53%) et leurs perspectives en matière de développement de compétences et de formations (51%). Proposer aux collaborateurs de se former est également une bonne manière de les fidéliser. Chez Sephora, les collaborateurs peuvent suivre des formations dès leur premiers jours pour devenir plus experts dans leur domaine. L’entreprise de cosmétique raconte le parcours des salariés dans de courtes vidéos Instagram.
5. Le départ du salarié, ou l'offboarding, est un moment délicat, pour l’employeur comme pour l’employé. Il s’agit de bien préparer cette étape pour éviter que le manager soit pris par le temps ou que le salariés parte fâché. Si le départ du salarié se passe mal, cela peut avoir des répercussions négatives sur la marque employeur.
“Take Care Of Your Employees And They’ll Take Care Of Your Business”.
Cette phrase de l’entrepreneur Richard Branson résume parfaitement l’importance de l’expérience collaborateur, qui doit être le résultat d’un processus chiadé et non improvisé. Offrir des corbeilles de fruits, des cours de yoga et un baby foot à ses salariés ne suffit pas pour mettre en place une expérience collaborateur réussie. Prendre soin de son équipe, c’est bien plus que cela : c’est être à son écoute, ne pas fermer les yeux sur le mal-être d’un collaborateur, être transparent, éviter le micro-management… Autant d’actions qui ne peuvent avoir des répercussions positives que si elles sont planifiées et réfléchies.