Existe-t-il un management féminin ? Sans tomber dans les clichés, il semblerait que les femmes aient un leadership plus participatif que les hommes. Elles auraient un sens prononcé de l’anticipation, de l’empathie, de la cohésion, des valeurs indispensables au management d’aujourd’hui, qui valorise des modèles plus coopératifs que compétitifs ou hiérarchiques. Autrefois encouragées, les valeurs plutôt attribuées aux hommes, telles que l'autorité ou la capacité à imposer une vision, ne semblent plus suffire pour être un bon manager.
Alors, quelles sont les spécificités du management au féminin ? Pourquoi les femmes sont-elles de plus en plus prisées pour des postes de managers ? Quelles sont les inégalités qui, malgré les progrès, demeurent ?
Les spécificités du management au féminin
Sans pour autant parler de facultés typiquement féminines, certaines qualités managériales sont souvent davantage repérées dans un management féminin que masculin. Ce sont bien évidemment des tendances générales, mais attention, il ne s’agit pas de dire que toutes les femmes managent de la même façon. Les femmes ne doivent pas pour autant s’enfermer dans les qualités qu’on leur prête et les hommes ne sont pas pour autant dénués de ces dites facultés !
Alors, quelles sont les forces qui se démarquent chez les femmes managers ? “Ayant accompagné plus de 50 PME historiques et autant de start-up en 20 ans, j'ai été frappé par le fait que les femmes possédaient tous les atouts du leader décrit par John Kotter, le pape du sujet enseignant à Harvard, alors que ce profil est rarissime chez les hommes. Selon moi les petites structures ont intérêt à féminiser leur gouvernance”, expliquait Christophe Faurie, spécialiste de la conduite du changement, à l’Express en 2012.
Souvent moins directives, les femmes ont un leadership participatif et semblent investir plus facilement les valeurs de confiance et de pédagogie. Parce qu’elles sont davantage dans la conviction et dans la communication que dans l’imposition, elles ont un sens du dialogue, savent fédérer, consacrent du temps aux échanges et demandent plus souvent l’avis de leurs collaborateurs (sondage QAPA) que leurs homologues masculins. Les attentes des collaborateurs sont ainsi plus facilement identifiées, et les conflits naissants sont en général traités immédiatement. Les femmes seraient alors plus douées pour encourager le travail d’équipe et développer l’intelligence collective.
L’empathie et la bienveillance sont également deux qualités qui reviennent régulièrement. Loin de l’attitude bisounours, l’empathie est une ressource indispensable, qui a la particularité d’encourager la créativité. Et la créativité, c’est savoir rebondir, improviser, trouver des solutions ! Anne Thévenet-Abitbol, directrice Prospective et Nouveaux Concepts chez Danone, revendique d’ailleurs son ouverture aux autres, puisqu’elle favorise l’imagination, et donc l’innovation. Aussi, son empathie lui permet de mieux déléguer puisqu’elle lui offre une bonne connaissance des comportements. Elle peut alors mieux embarquer son équipe dans ses nouvelles idées, susceptibles de faire avancer le Groupe Danone.
Enfin, plus naturellement confrontées aux multitâches - souvent parce qu’elles ont pris l’habitude de jongler entre leur vie de famille et leur vie professionnelle - les femmes sont sans doute flexibles et réactives. La polyvalence est l’une de leurs principales armes !
Des forces qui ne sont pas encore assez reconnues
Même s’il existe une plus grande présence féminine dans les entreprises, de fortes inégalités demeurent. D’après l’ONU Femmes, au niveau mondial, les femmes gagnent encore 16% de moins que les hommes. Par ailleurs, l’accès aux postes de management et leadership leur est notamment encore difficile. Selon une étude publiée fin mai par le Young Presidents’ Organization, le Financial Times et le mouvement HeForShe de l’ONU Femmes, les femmes sont encore minoritaires à la tête des entreprises, même si elles sont plus nombreuses : la majorité (57%) des interrogés est d’avis que “leur organisation est plus diverse au niveau des genres qu’il y a cinq ans”.
Selon une autre étude récente réalisée par le cabinet Heidrick & Struggles, « seuls 5% des directeurs généraux dans le monde sont actuellement des femmes ». En effet, si la parité homme-femme s’est améliorée dans les conseils d’administration (10 ans de la loi Copé-Zimmermann), en France, on ne compte qu’une seule femme à la tête d’une entreprise du CAC40, Catherine MacGregor, nouvelle directrice générale d’Engie.
Pourtant, selon le palmarès Women Equity 2020 les entreprises dirigées par les femmes sont “surrentables” comparées à celles menées par les hommes. Une rentabilité due à plusieurs facteurs, dont leur grande motivation, puisqu’encore trop peu nombreuses. “Et cette capacité à déconstruire ce qui est attendu, à remettre les choses en question, à ne considérer rien pour acquis les aide dans le business", explique Dunya Bouhacene, la présidente de Women Equity. Les femmes chercheraient également plus rapidement la rentabilité, ayant plus difficilement accès au financement que les hommes. Selon le collectif Sista, les entreprises dirigées par des femmes n'ont capté que 2,6 % des fonds du capital-investissement au cours des cinq dernières années.
Restons toutefois optimistes. La crise sanitaire a, entre autres, participé à l’accélération d’une nouvelle forme de management, un management de proximité. "Je vois une prise de conscience forte de tout le monde qu'il faut faire bouger les choses", estime Xavier Mufraggi, PDG de YPO. Il y a selon lui, "une prise de conscience du style de management qu'apportent nos membres féminins avec une approche plus holistique du leadership, qui est plus en phase avec les nouvelles générations”.