Vous avez surement entendu parlé de management participatif, directif, délégatif, persuasif… mais avez-vous déjà entendu parler de neuromanagement ? C’est une méthode de management qui a la particularité de se baser sur les dernières découvertes réalisées dans l’univers des neurosciences, habituellement utilisées dans des domaines tels que la santé, l’éducation ou la psychologie.
Ces découvertes permettent au manager de demain de faire collaborer harmonieusement une équipe. Dans son ouvrage Les Métiers du futur, écrit en collaboration avec la journaliste et philosophe Clara-Doïna Schmelck, Isabelle Rouhan, fondatrice du cabinet de recrutement spécialisé en transformation digitale Colibri Talent définit les neurosciences comme “une révolution pour l’intelligence humaine”. Selon elle, elles aident à répondre à des interrogations essentielles : “Comment fonctionne-t-on ? Comment apprend-on ? Comment coopère-t-on ? Comment décide-t-on ? Comment innove-t-on ? “.
Alors, qu’est-ce que le neuromanagement exactement ? Quels sont les bénéfices d’une telle pratique, pour le manager et pour les équipes ? Comment l’adopter en entreprise ?
L’origine du neuromanagement
Grâce à l’essor des techniques d’imagerie cérébrale, aux études en psychologie cognitive et en neuropsychologie cognitive nous pouvons aujourd’hui mieux comprendre le fonctionnement cérébral et les mécanismes qui sous tendent nos comportements de la vie de tous les jours, dont nos comportements dans le milieu professionnel et notre manière de manager. Les neurosciences donnent des clés d’analyse et d’action intéressantes pour les managers afin de mieux comprendre et motiver leurs collaborateurs. En effet, le neuromanagement explore la motivation, mais aussi le degré d’attention, l’impact des émotions sur les décisions, les réactions, les prises de décision et la coopération.
Ricardo Croati, fondateur de la société de coaching et de formation France Training, a été l’un des premiers à parler de neurosciences en entreprise en 2008. Il encourage les neuro-managers à d’abord mieux se connaître (c'est-à-dire à prendre du recul sur leurs relations, leur manière de réagir, de manager autrui) pour mieux reconnaître l’état émotionnel de leurs collaborateurs et pour mieux appréhender l’impact de leurs actions sur leurs équipes.
Les bénéfices du neuromanagement
Le neuro-manager sait activer des intelligences émotionnelle, relationnelle ou encore collective au sein des équipes et se préoccupe de l’épanouissement professionnel de ses collaborateurs. Cette plus grande compréhension de l’autre lui permet d’améliorer les liens qu’il tisse avec son équipe, mais aussi de booster la performance de celle-ci.
Le neuromanagement permet :
- de réduire le stress puisque l’ambiance de travail devient agréable, le manager se remet en question, est à l’écoute des émotions des uns et des autres. Par conséquent, il anticipe et comprend mieux les réactions de ses employés. Les collaborateurs se sentent compris et n’accumulent pas de frustration.
- d’encourager et de mobiliser une équipe, d’augmenter la productivité de chacun. Une écoute attentive de la part du manager donne envie de s’impliquer. En effet, lorsque nous sommes écoutés, nous avons près de 5 fois plus confiance en nos capacités pour atteindre nos objectifs !
- stimuler la créativité et l’innovation. La créativité n’éclot pas lorsqu’on est mal à l’aise, que l’on est micro-managé ou que l’on se sent menacé, sur la sellette. En revanche, la créativité naît lorsqu’on est dans la découverte. “Les collaborateurs orientés vers l’apprentissage (qui pensent que leurs compétences et aptitudes peuvent être développées moyennant certains efforts) développent leur créativité plus rapidement et continuent à proposer des idées de qualité, même lorsqu’il devient plus difficile de s’écarter de solutions éprouvées”, explique Ella Miron-Spektor, Professeure associée en psychosociologie des organisations à l’Insead au HBR.
- limiter le burn-out. Le neuromanagement accompagne l'infobésité et l’hyperconnexion. Le neuro-manager aide ses collaborateurs à hiérarchiser les informations (urgentes, importantes, utiles, futiles), évite de bombarder de mails, encourage la participation et le dialogue.
Comment mettre en place un neuromanagement ?
Pour Pierre-Marie Lledo, directeur de recherche à l’institut Pasteur et au CNRS, tout manager peut devenir un manager « neuro-amical ». Il “suffit” de mettre l’humain au centre de son management. Idéalement, le manager est formé aux neurosciences pour comprendre les rudiments de la biologie et de la chimie du cerveau, mais aussi de la psychologie. Cet apprentissage permet de mieux identifier le rôle des émotions et de l’empathie. Un neuro-manager doit donc être capable de comprendre et d’activer son propre mécanisme cognitif dans l’optique de fluidifier les relations entre collaborateurs, de limiter le stress, d'augmenter le bien-être des équipes, de favoriser la créativité et l’innovation. Tout l’inverse du manager toxique !
Par exemple, un neuro-manager qui voit arriver un collaborateur en colère propose d’abord à son interlocuteur de se poser, puis lui demande pourquoi il est énervé. Car lorsqu’un manager cherche à comprendre une émotion, il comprend mieux le besoin qui se cache derrière. Les signes non-verbaux sont également de bons indicateurs. Une personne qui lève les yeux au ciel ou qui fronce les sourcils en réunion a peut-être quelque chose à dire, une gêne, une réflexion à faire, une opinion à donner. “Avez-vous quelque chose à rajouter ? Voulez-vous réagir ? “. Ces questions bienveillantes et cette attitude proactive de la part du manager permettent surtout de lever des blocages, de limiter les malentendus et d'anticiper une éventuelle crise d’équipe.
Enfin, le neuromanagement a le vent en poupe tout simplement parce qu’il insuffle de l’altruisme, de l’écoute, de l’attention chez les managers, des qualités indispensables aujourd’hui pour mettre à l’aise un collaborateur en demande d’échanges et de bienveillance. « Il s’agit d’adapter le monde du travail au fonctionnement cérébral, plutôt que l’inverse » conclut Pierre-Marie Lledo, directeur de recherche à l’institut Pasteur et au CNRS.