Devant l’amour de son métier, la dévotion à son entreprise, la conscience professionnelle ou les perspectives d’évolution, le salaire reste la motivation principale de plus de la moitié des européens. Pourtant, la négociation d’une augmentation ou d’une prime est toujours vécue comme un exercice particulièrement périlleux et stressant : selon le cabinet de conseil en organisation, expert des questions sociales ALTERNEGO, 48% des Français n’osent pas aborder le sujet, ce chiffre s’élevant même à 54% pour les 20-35 ans. Alors, pourquoi cette auto-censure ?
Réclamer un geste financier n’est pas anodin ! Et cette démarche peut se révéler intimidante pour plusieurs raisons : pudeur, peur du conflit ou de se confronter à notre valeur, manque de confiance, rapport tabou à l’argent… Bien que toutes ses raisons soient fondées, la négociation salariale reste sans doute l’une des négociations les plus délicates pour la simple raison que, contrairement à une négociation d’embauche ou de départ, vous demeurez en lien avec votre entreprise une fois la discussion passée. Il est donc important de bien préparer le rendez-vous avec votre manager pour mettre toutes les chances de votre côté et garder une bonne relation avec votre entreprise.
Comment aborder cette négociation pour atteindre votre objectif ? Comment anticiper les points épineux et l’après discussion ? Que faut-il éviter ?
Préparer factuellement sa négociation de salaire
Selon une étude Indeed de 2019, 75% des Français appréhendent davantage de demander une augmentation que de demander leur conjoint(e) en mariage. Seuls 7% des répondants expriment une grande confiance en leur valeur pour l’entreprise au moment de négocier leur futur salaire. Alors, comment faire pour se sentir plus confiant face à votre manager lors de la fameuse discussion ?
Pour aborder sereinement le sujet, il est important de faire votre “homework”. Car de la même manière qu’un entretien d’embauche se prépare en amont, une négociation salariale requiert un minimum de travail : vous devez maîtriser le sujet et ce que vous demandez à votre employeur.
a) Prenez d’abord le temps de vous auto-évaluer.
Listez ce que vous avez accompli et réalisé cette dernière année qui aurait participé à la performance de l’entreprise et assurez-vous d’être en position de force pour négocier. Un conseil : restez-en aux faits objectifs et éloignez tout sentiment. Pour appuyer votre argumentation, donnez des preuves de votre investissement et de vos bons résultats : chiffres, data, documentation… tout ce qui pourrait vous aider à mesurer votre performance.
👉 Par exemple, si vous avez un poste de commercial : combien de nouveaux clients avez-vous signés et que valent-ils aujourd’hui ? Quel CA avez-vous produit ?
👉 Si vous êtes chef de projet, quels nouveaux projets avez-vous initiés et quel est leur impact financier ?
👉 Si vous êtes responsable administratif ou financier, quels processus ou procédures avez-vous mis en place ou rationalisés qui ont permis à l’entreprise de réaliser des économies ?
…
“J’ai réduit de 10 heures la procédure de clôture", “J’ai fait gagner 500 inscrits à
la newsletter, chaque inscrit peut nous rapporter x€ / mois”, “J’ai 3 nouvelles responsabilités qui viennent s’ajouter à ma mission principale" “J’ai aidé à décrocher tel gros contrat cette année en faisant ci et ça”...
N’hésitez pas également à mettre en avant vos soft skills et ce qu’ils apportent dans le quotidien de l’entreprise : par exemple, votre créativité vous a permis de trouver une issue à un problème de longue date, votre aisance à l’oral a participé à décroché tel nouveau client, votre bienveillance et votre écoute ont évité untel de faire un burn-out pendant la période de stress de la fin d’année… etc.
Enfin, n’oubliez pas que faire du bon travail n’est pas suffisant pour demander une promotion ou une augmentation. Vous devez démontrer comment vous êtes allés au-delà de ce que l’on attendait de vous. Montrez que vous travaillez mieux que bien. Pour cela, replongez tout simplement dans votre fiche de poste pour vous rafraîchir la mémoire : vérifiez d’abord que vous remplissez bien toutes les fonctions puis identifiez pour quelles missions vous êtes allé au-delà des fonctions de votre description de poste. Vous pouvez aussi vous appuyer sur les modules objectifs et réalisations d’outils tels que Popwork afin d’avoir une vue d’ensemble sur le chemin parcouru tout au long de l’année.
Suivi des objectifs Popwork
b) Renseignez-vous sur la politique salariale de votre entreprise et sur le marché
Une fois que vous avez listé vos forces personnelles, vous devez vous renseigner sur le contexte de l'entreprise, cela vous permettra de formuler une demande réaliste et d'éviter un trop grand décalage entre vos aspirations et la réalité. Par exemple, si votre employeur a l’habitude d’augmenter ses salariés de 5%, n’allez pas demander 20%. Si votre entreprise est en plein PSE ou qu’elle est dans une situation économique difficile, peut-être vaut-il mieux attendre un peu.
Puis, au-delà de votre entreprise, quelle est la tendance en termes de salaires dans votre secteur et sur votre métier ? Demandez conseil autour de vous, sondez le marché, consultez des baromètres de salaires et des sites comme l’APEC pour connaître les salaires du poste que vous occupez, en fonction de votre région ou selon la taille de votre entreprise. Ce petit benchmark vous permettra de savoir si votre rémunération actuelle est correcte ou non.
En fonction des informations recueillies, et en gardant en tête ce que vous apportez concrètement à l'entreprise, il sera plus facile d’avoir une idée du pourcentage d’augmentation que vous pourrez demander. En général, vous pouvez prétendre à une augmentation entre 2% et 10% sur un même poste, mais libre à vous de choisir l’augmentation que vous méritez. D’après une récente étude de l’éditeur de logiciels Altays et Opinion Way, près de la moitié (47%) des salariés interrogés demande une augmentation correspondant à 5% ou moins de leur salaire. Un salarié sur cinq vise une augmentation de plus de 10% de son salaire actuel, et une part très faible (5%), une augmentation supérieure à 20% de son salaire.
Comment et quand se lancer ?
Grâce à ce travail fait en amont, vous savez désormais ce que vous valez professionnellement et vous êtes à l’aise avec votre argumentation. Ensuite, la règle d’or pour avoir une augmentation, c’est “tout simplement”, de la demander ! Mais attention, il s’agit de le faire au bon moment et de la bonne manière.
a) À quel moment demander et à qui vous adresser ?
« Si le contenu est roi, le contexte est Dieu ». Cette citation est une observation du serial entrepreneur Gary Vaynerchuk, consultant pour Uber, Birchbox, Snapchat, Facebook, Twitter et Tumblr… Si cette réflexion s’adresse au départ au marketing numérique, elle fonctionne tout aussi bien pour une demande d’augmentation de salaire. Pourquoi ?
Parce que s’il est évidemment essentiel de préparer de bons arguments à développer lors de votre futur échange avec votre N+1, le moment choisi pour le faire l’est encore plus.
On vous conseille de demander une augmentation :
- lors d'un entretien annuel
- au cours d'une évaluation
- quand vous acceptez de nouvelles responsabilités
- après une formation professionnelle
- lorsque vous êtes en position de force : vous avez doublé un objectif, réussi plusieurs plusieurs ventes ou exploits… (mais n’oubliez pas qu’une négociation s’appuie sur un travail continu et non des “one shot”)
- lorsque vous le sentez et que vous pensez que vous le méritez ! Pas besoin d’attendre l’entretien annuel, faites en fonction de votre arrivée dans l’entreprise. En général, on attend une année avant de demander une augmentation, le temps de faire ses preuves.
Vous devez donc prendre en compte le contexte, mais sachez que même en période de pandémie, vous pouvez faire part de votre demande, à moins bien sûr que votre entreprise ne soit dans une situation économique difficile. Sinon, au contraire, la crise sanitaire vous aura peut-être poussé à travailler davantage, à remplir de plus gros objectifs, à faire des heures supplémentaires, à fournir des efforts particuliers.. Si vous avez su rester investi et efficace dans un contexte bouleversé, vous méritez d’être récompensé. Une récente étude de Robert Half indique que la période actuelle est aussi propice que les autres pour demander une augmentation : 88 % des dirigeants interrogés se disent préoccupés par la rétention de leurs meilleurs salariés. 86 % de tous les managers sondés se déclarent aussi ou plus disposés à négocier le salaire des nouvelles recrues qu’ils l’étaient il y a un an. Donc même dans un contexte imprévisible, vous pouvez demander une augmentation !
Évitez en revanche d'en parler entre deux réunions, dans un couloir, ou sans trop réfléchir au timing : après une mauvaise performance, après 6 mois seulement d’ancienneté, si vous avez déjà été augmenté dans l’année ou si votre manager à la tête sous l’eau. Prévoyez un rendez-vous avec votre responsable hiérarchique quand vous sentez que c’est le bon moment. Évitez de court-circuiter votre manager en passant directement par les RH, cela pourrait être mal perçu. Essayez plutôt de préparer votre manager à votre demande quelques semaines voire mois avant, dites-lui par oral ou par mail que vous souhaitez parler de votre rémunération lors de votre prochain entretien. L’objectif est de ne pas mettre votre manager au pied du mur, mais par exemple de lui en parler avant la clôture annuelle, pour le mettre en condition.
b) Comment formuler sa demande d’augmentation
Vos attentes doivent ensuite être explicitement formulées. Restez professionnel et évitez les expressions telles que “j’ai l’impression”, “je pense qu'éventuellement", “je crois”, “je sens”, “peut être”,... La clé ? Être assertif, c'est-à-dire exprimer efficacement votre point de vue tout en respectant votre interlocuteur. Cette posture, qui n’est ni passive, ni agressive, permet de vous affirmer sans heurter, de poser des limites de manière apaisée, d’argumenter avec conviction… vous devez être la personne la plus convaincue de la pièce ! Veillez tout de même à ce que votre assurance ne passe pas pour de l’arrogance.
Commencez votre entretien de manière positive, en expliquant pourquoi vous aimez travailler pour l’entreprise. Projetez-vous dans l’avenir et introduisez votre propos avec une phrase simple : “Merci de prendre le temps de me voir aujourd’hui. Je suis très motivé à l’idée de travailler avec de tels objectifs stratégiques et d’agrandir mon scope de responsabilités. Dans cette optique, j’aimerais discuter de mon salaire.” Puis, avancez vos arguments un à un.
Ensuite, c’est à vous de dire ce que vous attendez. Les recruteurs veulent que les candidats aient une idée de combien ils valent.
Vous avez le choix de proposer :
- une fourchette, qui laisse davantage la place à la négociation. Si vous donnez une fourchette, il faut que le salaire bas soit celui que vous voulez, et que vous puissiez justifier pourquoi vous demandez plus, sinon, vous perdez en crédibilité.
- un chiffre précis, qui montre que vous savez ce que vous voulez, mais cela peut être un peu rigide. Essayez dans ces cas-là d’être précis mais de montrer que vous êtes ouvert à la négociation, ne vous montrez pas intransigeant.
Quelques points d’attention :
- Si vous parlez de salaire, ne raisonnez pas en net mais en brut. Vous parlerez ainsi le même langage que votre employeur.
- Évitez de parler de votre vie privée. Vous demandez une augmentation parce que vous la méritez, pas parce que vous devez en avoir une (pour payer votre emprunt ou partir en vacances).
- Pour conclure, n’hésitez pas à questionner votre interlocuteur, interrogez-le sur sa vision de votre expertise et compétences : “Qu’en pensez-vous ?” “Etes vous d’accord avec moi sur les objectifs atteints ?”
Si malgré toute votre préparation l’augmentation est refusée, cherchez à savoir pourquoi et voyez comment vous pourrez travailler un plan d’action avec votre manager pour faire pencher la balance. Ne vous braquez pas. N’hésitez pas à poser des questions et à garder la discussion ouverte. “Y a t il des compétences que vous attendez de moi en particulier ou des objectifs que vous souhaitez voir atteindre ? Quelles actions spécifiques seraient nécessaires pour mériter une augmentation ? Y a- t- il une meilleure période pour en reparler dans un futur proche ?”. Prenez rendez-vous pour un prochain entretien, restez actif dans votre demande et cherchez à obtenir d’autres avantages ou à trouver un compromis : une prime, un téléphone, une voiture de société, une formation professionnelle ou des actions dans l’entreprise ?
Enfin, si vous êtes vous-mêmes manager, et devez refuser une augmentation, veillez à ne pas démotiver votre collaborateur. Identifiez, avec lui, les motifs du refus pour qu’il puisse mieux comprendre votre réponse défavorable, mais proposez également des pistes d’amélioration concrètes. Rester vague, fuir le dialogue ou traiter le sujet sans aucune diplomatie peut entraver les liens entre l’entreprise et le salarié. Vous trouverez ici tous nos conseils concrets sur la façon d’annoncer une nouvelle difficile à un collaborateur.