Management : non, la bienveillance n’empêche pas la performance

En France, contrairement aux USA ou aux pays nordiques, le management bienveillant, parfois appelé "happiness management”, “feelgood management” ou encore “servant leadership” n’a pas toujours bonne presse. Il est souvent associé à un monde de bisounours éloigné des réalités professionnelles.

Pourtant, le manager bienveillant participe activement à la productivité des équipes puisqu’il donne d’abord confiance, pour ensuite faire confiance. Cela encourage directement les salariés à être plus efficaces et responsables.
Augmenter le bien-être des salariés est d’autant plus important que la qualité de la relation entre une entreprise et ses clients est à l’image de la qualité de la relation entre l’entreprise et ses salariés. C’est la théorie de Vineet Nayar, dirigeant de HCL Technologies, racontée dans son livre Employees First, Customers Second: Turning Conventional Management Upside Down. Le chiffre d’affaires de HCL Technologies a en effet augmenté de 600% entre 2005 et 2013 dès lors que l’entreprise a mis le salarié au centre de ses préoccupations. Parce qu’un employé heureux est tout simplement plus productif !

Citation: "La bienveillance est parfois vue comme naïve et inefficace. C'est faux : une équipe heureuse est juste plus performante ! " - Popwork

Alors, comment mettre en œuvre un management bienveillant ? Quelles sont les bonnes pratiques pour devenir un manager bienveillant ? Quelles sont les bénéfices concrets de ce type de management ?

Une attitude plus qu’une méthode : quel comportement adopter ?

Selon une étude réalisée par CadreEmploi en juin 2019, la moitié des cadres interrogés déclarent avoir connu l’ensemble ou une partie des symptômes du burn-out. Ces derniers sont provoqués par un excès de pression professionnelle (63%), une très lourde charge de travail (59%), un manque de reconnaissance pour le travail accompli (54%) ou encore, du stress (53%).  C’est pour éviter de telles situations que le manager doit faire preuve de bienveillance. Or, que cache le mot “bienveillance”, mot presque galvaudé tellement il est utilisé aujourd’hui ?

Si certaines techniques ou pratiques managériales ne mettent pas assez en avant la dimension humaine du management, Noémie Le Menn, coach et psychologue du travail énonce l’idée que “Il faut désacraliser le rôle de manager et voir le manager comme une ressource et un soutien.

Le manager bienveillant, c’est le manager qui adopte la posture d’un coach. C’est celui qui engage, rassure et encourage ses troupes. Il insuffle plus d’humanité dans les relations professionnelles tout en mettant à profit ses compétences managériales. Il ne perd pas le cap sur un de ses objectifs : fédérer une équipe et faciliter l’intelligence collective de l’équipe. Voici un tour d’horizon des 6 attitudes à privilégier pour installer un climat favorable au bien-être des salariés :  

  1. Être à l’écoute et se rendre disponible : Il ne s’agit pas de se contenter de prévoir des points réguliers avec son équipe, mais de véritablement préparer les rendez-vous avec des outils adaptés. Cela vous permettra d’être concentré sur l’échange une fois qu’ils ont lieu. Pendant le rendez-vous, ne faites pas plusieurs choses à la fois. Mettez votre portable sur silencieux, fermez votre ordinateur et soyez présents à 100%. Il est en effet inutile de s’enquérir de la motivation d’un collaborateur si vous répondez à un mail en même temps.

    Bienveillance rime également avec ouverture : veillez à rester accessible. Un bon manager a conscience que chacun de ses collaborateurs peut traverser des périodes de mal-être. Il va adopter une posture d’ouverture pour aider ce collaborateur à aborder un sujet sensible s'il en ressent le besoin. Par exemple, vous pouvez poser la question pendant votre point hebdomadaire “Est-ce qu’il y a d’autres sujets que tu aimerais aborder ?” pour lui donner la possibilité de s’exprimer à ce sujet. La communication conditionne la motivation des membres de votre équipe qui vous en seront reconnaissants. De plus, cela permet de prévenir des troubles psychosociaux comme le burn-out ou la souffrance au travail.

    Au quotidien, laissez la porte de votre bureau ouverte, proposez des déjeuners d’équipe. C’est lors de ces échanges plus spontanés qu’un salarié aura plus de facilité à se confier sur la difficulté d’une mission ou sur une épreuve familiale. L’essentiel est d'encourager les interactions, sans jamais être intrusif (le mail urgent à minuit ou le week-end, c’est non !).
  2. Fixer des objectifs cohérents, constructifs et atteignables. La méthode SMART est un parfait moyen pour identifier des objectifs pertinents pour votre équipe, SMART signifiant “spécifique”, “mesurable”, “ambitieux”, “réaliste” et “temporellement défini”. Si vous demandez à votre équipe de doubler votre base d’abonnés le mois prochain alors que vous ne cessez de perdre des clients et qu’aucun budget marketing ne peut être alloué à cette opération, cela ne marchera pas, elle perdra confiance… Soyez réalistes, tout en cherchant le challenge. Pour savoir si les objectifs que vous fixez sont cohérents, n’hésitez pas à demander du feedback de la part de votre équipe. Définir de bons objectifs découle d’un dialogue avec chaque membre de votre équipe pour être sûr que chacun est à l’aise avec les missions qui lui sont attribuées.
  3. S’adapter à l’équipe et être souple. Il est important de personnaliser vos échanges et d’être flexible face à une situation inédite. Si votre collaborateur a besoin de partir plus tôt pour aller chercher son enfant malade, ne lui mettez pas des bâtons dans les roues. Sachez distinguer l’urgent de l’important. “Beaucoup de choses sont urgentes, toutes ne sont pas importantes” explique le philosophe Charles Pépin, auteur des livres Les vertus de l’échec et La confiance en soi, une philosophie. La qualité de vie au travail est au cœur des préoccupations des salariés, qui souhaitent désormais évoluer dans un cadre plus sain. Votre collaborateur appréciera votre souplesse, et la confiance que vous lui donnez l’aidera à travailler sereinement après avoir déposé son enfant chez le médecin. S’adapter, c’est aussi savoir laisser de l’espace à vos équipes, pour qu’elles puissent bien travailler, créer, se concentrer. Si vous micro managez votre équipe, que vous lui imposez trop de rendez-vous zoom pour la traquer, elle se sentira infantilisée et absolument pas libre pour proposer des idées nouvelles. Au contraire, elle sera préoccupée, voire fatiguée par autant de contraintes et de rigidité. Tant de personnes, soumises à la pression constante de l’urgence et de la surveillance, deviennent moins efficaces, car stressées et frustrées. Au contraire, l’épanouissement au travail est un facteur important de la productivité et du bien-être des équipes.
  4. Rappeler le sens des missions. Tout travail devient cohérent lorsque le sens est explicite, que les missions sont motivées par une bonne raison. Soyez clairs et évitez d’être flou dans l'énonciation de ces missions. C’est en effet impossible d’embarquer des collaborateurs avec vous si vous ne leur dites pas où vous souhaitez aller et pourquoi. Pour renforcer votre leadership, veillez à formuler les perspectives de manière explicite. Un bon manager doit être conscient de l’image qu’il renvoie et doit faire preuve d’humilité en prenant le temps d’expliquer la nature de chaque mission. Si vous demandez à votre collègue de remplir un excel sur les ventes du mois, expliquez-lui précisément pourquoi vous en avez besoin : il est nécessaire pour vous d’avoir les chiffres pour savoir si vous pouvez embaucher le mois prochain. Encouragez-le à aller plus loin, en trouvant la meilleure façon de mettre les chiffres en perspective. Répondez à leurs questions et demandez-leur s'ils souhaitent obtenir des clarifications supplémentaires sur d’autres points.
  5. Donner du feedback. La reconnaissance donne de l'énergie positive. N’oubliez pas de faire des compliments lorsque le travail est bien fait, lorsqu’il est rendu à l’heure, lorsqu’une présentation a provoqué de bons retours chez des clients difficiles. Un feedback, même rapide, souligne le travail qui a été fourni. Lors de vos points hebdomadaires, vous pouvez féliciter un collaborateurs sur ses réalisations pour l’encourager à continuer dans ce sens. Cela aura un impact positif et motivera davantage cette personne à se dépasser. Donner du feedback, c’est aussi aborder les signaux faibles émis par un membre de l’équipe. Cela consiste à ouvrir le dialogue en abordant les points négatifs et ainsi suggérer des pistes d’amélioration pour le futur. Il est important de porter une attention particulière à la tournure d’un feedback pour ne pas qu’il ne soit perçu comme une critique et pour ne pas blesser votre interlocuteur.
  6. Acceptez les erreurs et ne blâmez pas les échecs. Un événement organisé par votre entreprise a comptabilisé 100 invités seulement sur les 400 prévus. C’est une déception pour l’équipe qui s’est donnée du mal pour l’organiser. Veillez à essayer de comprendre les raisons de cet échec plutôt que de blâmer les organisateurs. L’échec, s’il est compris, peut nous rendre plus combatifs et plus sages. Si les organisateurs sont sanctionnés, ils auront plus de difficulté à oser proposer quelque chose de nouveau, à prendre des risques. Après un échec, il est important de donner l’impulsion à l’équipe pour rebondir, de créer l’enthousiasme pour se remettre au travail. Il est important de prendre en compte les émotions que peuvent ressentir les collaborateurs face à ces échecs. Face à une déception, certaines personnes sont plus sensibles que d’autres et peuvent être touchées par l’émotivité. Le cas d’un collaborateur qui pleure au travail ne doit pas vous mettre dans l’embarras en tant que manager. Faites preuve d’intelligence émotionnelle en restant empathique et n’essayez pas de raisonner votre collaborateur. Vous pouvez tendre une perche lors de votre prochain point hebdo pour ouvrir un dialogue autour de ce point si cela vous semble opportun.

Toutes ces attitudes ne sont finalement pas des règles managériales, elles relèvent plutôt d’un état d’esprit et d’un art de vivre qu’il faut cultiver. Se montrer tel quel, parler vrai, être le plus sincère possible et aligné avec ses valeurs, dire bonjour, merci, souligner une participation pertinente, aborder les problèmes quand il y en a, sont autant de réflexes à avoir pour installer de bonnes conditions de travail et des rapports professionnels sains en interne.

Quels sont les bienfaits d’un management bienveillant ?

Citation de Richard Branson : "Si vous voulez que vous salariés prennent soin de votre entreprise, prenez soin de vos salariés ! " - Popwork

Comme nous le prouve Vineet Nayar dans son livre, le manager bienveillant est loin d’être le manager humaniste complètement déconnecté de la performance de l’entreprise. Au contraire, c’est le manager agile, dont l’attitude compréhensive offre des répercussions positives et concrètes sur la productivité de chacun. Le manager déconnecté serait plutôt celui qui met en place une politique de Qualité de Vie au Travail (QVT) mais qui, derrière, traque les heures de travail de son équipe (surtout en période de télétravail) ou planifie une réunion urgente à l’heure du dîner.

La flexibilité, le respect, l’écoute sincère et l’ouverture d’esprit du manager bienveillant permettent aux collaborateurs d’être plus performants pour plusieurs raisons :

  • Leur stress baisse : les équipes sont moins stressées car elles sentent qu’on leur fait confiance. Le manager bienveillant est un manager crédible aux yeux des collaborateurs, puisqu’il les fait réellement progresser, tout en acceptant leur temps d’apprentissage.
  • Leur créativité augmente : les équipes ont moins peur de prendre des risques car la culture de l’échec est valorisée. Les erreurs sont acceptées du moment qu’elles sont comprises, elles sont considérées comme une preuve d’audace et non comme un drame ou une expérience négative.
  • Leur implication est plus forte car les objectifs sont non seulement compris mais véritablement motivants. Cela responsabilise les collaborateurs.

Ces trois réactions suffisent à faire baisser l’absentéisme (les deux tiers de l’absentéisme étant directement liés au travail, dont le stress et la surcharge de travail), à renforcer la collaboration et l’entraide entre les travailleurs et à diminuer le turn-over. Les RH peuvent être également impliqués dans ces problématiques et apporter des solutions durables. Qui souhaiterait partir d’une entreprise qui prouve aux collaborateurs, par des gestes concrets, que leur bien-être au travail est la priorité ? La fidélité des collaborateurs est d’ailleurs l’une des preuves infaillibles d’un management bienveillant dans une entreprise. Elle est désormais devenue un argument pour recruter. “Jamais personne n'a quitté l'entreprise en 3 ans”, a-t-on récemment lu sur une fiche de poste dans notre feed LinkedIn.

La bienveillance au travail n’est donc pas seulement un sujet à la mode. Cette valeur liée à l’empathie, au respect et à l’écoute est aujourd’hui un incontournable pour faire grandir un entreprise. Si celle-ci se préoccupe du bien-être de ses salariés, elle a de fortes chances d’être plus performante. “Si vous voulez que vos salariés prennent soin de votre entreprise, prenez soin de vos salariés !” résume parfaitement cette phrase de Richard Branson !