Les besoins de l’entreprise étaient au premier plan durant des générations mais aujourd’hui, les travailleurs placent leurs attentes en priorité. Ce phénomène a déjà poussé des millions de travailleurs dans le monde à démissionner pour un meilleur emploi. Rien qu'en Europe, 13 % des jeunes travailleurs ont quitté leur emploi en 2021. Selon l'article de Wired sur la grande démission, il s'agit d'une tendance qui s'est reflétée dans toutes les industries actives. Qu’il s’agisse de rôles créatifs ou de postes sur le terrain, ces démissions ont créé un vide sur le marché du travail européen, notamment en Allemagne où un tiers des entreprises signalent un manque de travailleurs qualifiés. Les candidats sont devenus une denrée rare, ce qui n'augure rien de bon pour les entreprises…
Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, la raison principale de ces démissions n'est pas le titre ou le salaire, mais bien le management. Selon des études récentes, près de 50% de tous les employés ayant démissionné l'ont fait à cause d'un mauvais manager. De nombreuses études actuelles sur le bien-être au travail révèlent qu'un mauvais leadership est la cause de nombreux problèmes à l'échelle de l'entreprise. Cela signifie qu'en plus d'affecter la rétention des employés, un mauvais management a également un impact les résultats, la productivité et la rentabilité. Ainsi, de nombreuses entreprises réalisent que pour avoir des managers efficaces, elles n'ont pas seulement besoin de chefs de projets, mais plutôt de leaders-suiveurs. Ce concept de “suiveur”, “disciple” voire même “employé” - rassemblés sous le terme “followership” en anglais - est un concept développé aux Etats-Unis en théorie des organisations. Elle vient de la pensée d’Aristote : “Celui qui n'a jamais appris à obéir ne peut être un bon chef.”.
⚖️ Être un “leader-suiveur” aide à créer un équilibre
Souvent, les dirigeants ont le sentiment de devoir se montrer inflexibles dans leurs actions. Aucun signe de faiblesse ou de doute ne doit être montré afin de dégager force et fiabilité. Cependant, ce n'est pas une approche infaillible. Dans de nombreux cas, une position aussi intransigeante ne fait que créer plus d'obstacles qu'elle n'en brise. Prenons l’exemple du fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, qui a été régulièrement critiqué pour ses opinions inébranlables et singulières. Le problème est particulièrement urgent compte tenu du climat actuel où les crises mondiales s’enchaînent et où les employés veulent plus de flexibilité.
D'un autre côté, être un “leader-suiveur” crée un équilibre qui permet un leadership plus complet. Comme il est expliqué dans le livre de Jocko Willink et Leif Babin "La dichotomie du leadership", un management efficace, c’est savoir comment marcher sur une ligne de crête entre des principes qui semblent s’opposer. Cela signifie également allier concentration extrême et plus de détachement, combiner des stratégies agressives avec d’autres plus prudentes. Sans avoir déjà été soi-même employé, il est presque impossible d'atteindre cet équilibre puisque vous serez bloqué sur une seule perspective. Avec une approche de leadership équilibrée, vous cultivez l’agilité et l'équité qui guideront efficacement l'ensemble de vos équipes et vos décisions les plus importantes.
👊 Être un leader-suiveur permet de s’appuyer sur les forces des équipes
Contrairement à ce que certains peuvent croire, ce ne sont pas les leaders qui créent le succès, mais bien les employés. D’ailleurs, dans le livre de l'auteur Robert Kelly, "The Power of Followership", il note qu'un leader est responsable d'environ 20% du succès d'une entreprise mais que les employés (ou “suiveurs”) sont crédités de 80%. En effet, même si un leader peut avoir la vision, ce n'est que grâce à son équipe qu'elle peut se concrétiser. Mais sans avoir été soi-même un suiveur, il est compliqué de le comprendre. Dans l'armée par exemple, certains des leaders les plus efficaces sont ceux qui ont gravi les échelons. C'est parce que l'expérience partagée d'être un disciple crée un sentiment d’appartenance, de confrérie. Un bon exemple d'un tel leader est l'emblématique Dr Martin Luther King, qui a inspiré des millions de personnes avec sa vision.
N'oubliez pas que les employés sont beaucoup plus susceptibles de soutenir un leader qui adopte le message « nous » plutôt que « moi ». En tant que leader qui sait suivre, vous encouragez également un sentiment d'unité et de confiance. Ce sont deux éléments essentiels de la main-d'œuvre actuelle, car beaucoup cherchent à travailler pour des communautés plutôt que pour de simples organisations. C’est avec cette philosophie que les équipes sont plus susceptibles de consacrer leur temps et leurs compétences aux objectifs de votre entreprise. En prime, puisque cette approche souligne l'importance des relations suiveurs-leaders, vous êtes plus susceptible d'attirer de nouveaux talents. Des dizaines de recherches ont montré que les candidats actuels (en particulier ceux des générations Y et Z) préfèrent travailler pour des patrons qui les valorisent également personnellement, et pas seulement leur contribution opérationnelle.
🧠 Être un leader-suiveur renforce l’intelligence émotionnelle
Il y aura toujours un écart entre les leaders et les suiveurs. La différence, c'est que les dirigeants qui s’intéressent aux “suiveurs” aussi, savent ne pas laisser grandir ce fossé. En étant un bon leader-suiveur, un manager peut mieux adapter son style de communication et de management. Ceci accroît son intelligence émotionnelle. Aujourd’hui, avoir cette intelligence émotionnelle est même considéré comme une qualité cruciale compte tenu des crises auxquelles nous sommes confrontés. Dans les recherches présentées par les écrivains Scott Taylor et Wendy Murphy sur le leadership en temps de crise, nous pouvons voir que l'intelligence émotionnelle l'emporte même sur le courage, l’intelligence et la prise de décision.
Cette intelligence émotionnelle est une vraie source de communication efficace pour les dirigeants. Certes, n'importe quel dirigeant peut prononcer un discours émouvant ou s’exprimer clairement devant ses équipes. Mais seuls les dirigeants qui ont eux-même été employés sont capables de puiser dans leur empathie pour communiquer de manière à embarquer tout le monde. En comprenant les préoccupations de la base et les préoccupations des cadres supérieurs, ces dirigeants peuvent offrir des communications qui ont plus de poids et encouragent plus d'actions. De plus, les dirigeants avec un passé d’employé savent à quel point des discours sans actions réelles sont nocifs, c’est pourquoi ils sont eux-même plus susceptibles de passer à l’action et de s’ériger en modèles pour leurs équipes. Par exemple, la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Arden est saluée pour son authenticité et son leadership qui ont inspiré les gens à la suivre. Cela a été reconnu par beaucoup comme l'une des principales raisons pour lesquelles le pays a eu certaines des meilleures réponses à la pandémie de COVID-19.
Comme l’explique Sabrina Ricou dans son article sur les profils de leadership, tous les styles de leaders n’ont pas envie ou besoin de cette force. Par exemple, le leader autoritaire n'a pas besoin d'équilibre ou de communauté. Cependant, aujourd’hui, une organisation n’est attractive auprès des nouvelles générations que si elle place la collaboration et l'égalité au cœur de ses préoccupations. Par conséquent, il n'est pas réaliste ou souhaitable de vouloir s'en tenir aux anciens modèles de leadership. Bien que certains dirigeants puissent craindre qu'être également un suiveur compromette leur intégrité ou leur autorité, ne pas le faire est en fait plus embêtant. On peut donc penser que les leaders-suiveurs seront ceux qui sauront rester pertinents et efficaces dans la culture actuelle, centrée avant tout sur les employés.